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Être une femme qui voyage seule c’est beaucoup de questions

Après voyage sans voyager, j’embarque à nouveau dans un carnaval d’article imaginé par Lenouinitalia sur le thème « Être une femme … c’est… ».

Le concept est simple, les participant-e-s écrivent un texte sur un sujet en remplissant les […]. Pour ma part j’ai choisi : « Être une femme qui voyage seule c’est beaucoup de questions ».

Cela peut avoir la forme d’un billet d’humeur, de conseils, d’astuces, etc. Lenou a indiqué une limite de contribution au 30 avril, elle récapitulera tous les articles par des liens dans une rubrique traitant du sujet le 3 mai.

J’ai hâte de découvrir vos participations 🙂

C’est un sujet tout particulièrement important pour moi, car, au quotidien, être une femme, surtout indépendante, n’est pas toujours simple, car nous cassons de nombreux préjugés misogynes et patriarcaux. En parcourant le monde seule, les voyageuses solitaires mettent à mal la phallocratie colonialiste si bien érigée depuis des siècles.

De ses préparatifs à son retour, la voyageuse sera confrontée à de nombreuses interrogations. D’un point de vue quantitatif, il ressort de mon retour d’expérience personnel et des discussions que j’ai avec les voyageurs solitaires des deux genres que les femmes sont beaucoup plus soumises aux questions que leurs homologues masculins. Pour l’aspect qualitatif, si certaines des interrogations sont légitimes et bienveillantes, d’autres sont clairement inappropriées et sexistes.

Tous les exemples que vous pourrez lire dans cet article sont issus de mon expérience personnelle. Après 5ans de voyage en solitaire, j’ai appris à faire le tri dans toutes ces questions, celles que l’on se pose à soi-même et celles que l’on vous pose. De plus, la tournure des interrogations joue est importante. En effet, s’il peut y avoir des fondements autour des inquiétudes de nos proches, la façon tendancieuse dont leurs questions sont parfois posées est infantilisante, voire sexiste.

Les questions légitimes

Quand vous décidez de partir seule, c’est normal de s’interroger, de se poser des questions sur un nouveau lieu que l’on va découvrir, un nouveau mode de vie. C’est sain. Ne pas s’interroger et s’informer serait de la folie.

De mon point de vue, il existe deux grandes familles de questions : l’organisation du voyage et la gestion de la solitude. Retrouvez sur le lien mes 10 conseils avant de voyager seul(e) à l’étranger.

L’organisation de votre voyage

Que l’on soit en couple, en groupe, ou en solo, la première chose quand vous partez en voyage c’est de savoir (à peu près) votre budget, vos hébergements et les démarches administratives et de santé dont vous avez besoin. Ces questions sont légitimes, savoir qu’est-ce que vous allez faire, votre planning si vous en avez déjà un, les activités que vous avez envie, etc.

Un voyage c’est comme tout, ça se prépare. Surtout si vous envisagez un PVT ou un tour du monde. On n’a jamais eu aujourd’hui autant de sources d’information pour connaitre un pays : blog de voyage, guide touristique comme lonelyplanet ou le guide du routard, forum, etc. Je trouve la communauté de voyageurs et surtout de voyageuses est très solidaire. Si vous avez des questions sur un pays, vous pourrez trouver plusieurs avis différents qui vous aideront à faire vos choix.

La gestion d’une situation nouvelle : la solitude

Avant de partir seule la première fois on se pose beaucoup de questions:

Ces questions aussi sont légitimes. Vous trouverez les articles plus complets sur ces questions en cliquant sur les liens. La solitude n’est pas quelque chose d’habituel. En tant qu’être humain, nous avons toujours appris à vivre en communauté. C’est donc tout à fait normal de se poser des questions sur la solitude et comment la gérer. Certaines personnes souffrent beaucoup lorsqu’ils sont isolés. D’autres, comme moi, profitent de ces moments pour se régénérer, découvrir de nouvelles personnes et une nouvelle culture. Le voyage en solitaire ne convient peut-être pas à tout le monde. L’important c’est que chacun fasse ce qui est bon pour lui. Se poser ces questions à soi-même me parait tout à fait normal et sain. Toutefois, je pense que ces questions ne sont pas forcément légitimes lorsqu’elles émanent de l’extérieur.

Les questions illégitimes

En effet, sur de nombreux sujets, l’entourage, plus ou moins proche, pose des questions. Je pense qu’il est primordial de tracer avec nos amis, collègues et familles, la ligne rouge des limites à ne pas franchir. Exprimer la frontière qu’ils ont à respecter pour protéger votre intimité et vos choix.

Les questions sur votre couple

Je parle plus en détail de ce sujet sur mon article sur les conjoints. Je pense qu’il est important de vous  donner ici un petit échantillon des questions et remarques que j’ai eu sur mon couple, suite à mes voyages en solo : « Sérieusement, ton mec ne pouvait pas venir avec toi ? » ; « Non, mais tu n’as pas peur qu’il te trompe, pendant que tu voyages ? » ; « Tu es sure que ton couple va bien ? Parce que partir sans ton conjoint c’est un mauvais signe quand même non ? »

Clairement ces questions sont inappropriées et seules les femmes y ont le droit.

Après avoir pas mal réfléchi sur le sujet et lu plusieurs livres sur le voyage et le féminisme, je suis venue à une conclusion : Le tourisme solitaire est rattaché à une image colonialiste masculiniste toxique.

À l’origine, « les touristes » étaient des jeunes hommes issus de la bourgeoisie britannique qui partaient explorer le monde (et coucher avec des autochtones). Dans la littérature de voyage du XIXème (d’après aussi), les auteurs décrivent la plupart du temps les paysages comme des femmes à conquérir et noircissent bon nombre de pages en vantant leurs prouesses sexuelles. Ceci nous montre bien le paradoxe de cette société phallocratique et colonialiste qui exploite la sexualité des femmes les plus pauvres tout en restreignant et dénigrant celle des femmes les plus riches.

Alors bon, ce comportement est tellement ancré dans les mœurs et dans notre culture ,qu’une femme qui partirait seule va surement faire comme ses homologues masculins et gouter aux plaisirs de la chair dans ces pays qu’elle découvre… Et là, on remet en cause sa vertu. Ce qui n’est encore une fois pas légitime.  

« La sexualité est donc l’un des moyens privilégiés par lesquels le voyageur ou l’explorateur assied sa domination : en fétichisant les femmes et en érotisant les territoires, il s’assure une toute-puissance sur son environnement. »

Lucie Azéma dans « Les femmes aussi sont du voyage » 

Il est souvent arrivé qu’on me demande à l’étranger mon statut matrimonial, si j’étais mariée ou si j’avais des enfants. En Jordanie, j’ai été très surprise quand la masseuse qui s’occupait de moi pour le gommage m’a posé cette question qui lui semblait naturelle. Il n’y avait pas de jugement chez elle, elle s’intéressait juste. Quand je lui ai posé la même question en retour, j’ai été un peu choquée de découvrir que cette jeune femme originaire du Yémen avait mon âge, était déjà veuve et avait deux enfants.

Les questions sur vos capacités

Un des moyens pour vous décourager dans une entreprise, c’est de vous remettre en question. En moyenne, les femmes ont moins confiance en elles que les hommes, du coup cette technique de la question qui n’en ai pas une à propos de vos compétences/capacités est vraiment l’une des pires.

Pour mon dernier voyage avant la fin du monde COVID-19, nous avions décidé avec mon copain de faire le trek du poon hill au népal. Voici un échantillon de l’échange que j’ai eu :

« Est-ce que vous avez les capacités physiques pour faire un trek de cinq jours ? »
« Tu vas vraiment prendre des bonnets et gants ? Mais il fait super chaud au Népal, tu ne vas pas être bien. »

Ces deux questions/remarques n’avaient pas lieu d’être posées et n’étaient pas légitimes.

La première remet en cause à la fois l’appréciation que j’ai de mes capacités et mon choix de voyage.

La seconde n’est toujours pas une question et remet en cause mon jugement et ma prise de connaissance du pays que je vais visiter.

Cette démarche sous prétexte de « bienveillance » est juste infantilisante et parfois très fausse. Par exemple, la seconde remarque a été formulée par une dame qui n’a jamais mis les pieds au Népal. Quand nous sommes arrivés avec mon copain dans les hauteurs, il y avait de la neige et nous avons même dû acheter sur place des crampons !

Vous partez en voyage, vous vérifiez les informations sur le pays que vous allez visiter. Ne laissez personne remettre en cause vos capacités dans les activités que vous avez choisies. Vous êtes la seule personne qui sait ce qui est bon pour vous !

Les questions sur votre sécurité

Je pense que les questions autour de la sécurité des femmes qui voyagent seules sont les pires. J’ai entendu plus d’une fois des questions sur comment je ferais si je me faisais violer ?

Dans l’esprit de beaucoup de personnes, les femmes sont des créatures fragiles qu’il faut protéger. Il y a une réelle terreur autour des déplacements des femmes. Mais la peur, ça n’a jamais évité le danger. J’en parle dans un article dédié à la peur et la confiance.

S’il est légitime de se poser des questions sur les arnaques fréquentes et les risques qui existent dans le pays que vous visitez, une overdose de peur, surtout autour des violences sexuelles, me parait aberrante.

 La première fois que je suis partie en voyage solitaire pour mes vacances, un de mes collègues, que j’apprécie énormément par ailleurs, s’est insurgé. Il m’a dit que « j’étais folle de partir seule, que c’était dangereux, que je pouvais me faire violer et que si j’étais sa fille jamais il ne m’aurait laissé faire ça ». Autant vous dire qu’entendre ça quand on a 25 ans et qu’on part tous les mois en mission seule pour le travail, ça fait rire un peu. De quoi avait-il peur ? Je partais en Italie, un pays que je connais bien, dont je parle la langue. Imaginait-il des violeurs cachés autour des gares, prêts à se jeter sur la jeune touriste que j’étais ?

Ne vous laissez pas enfermer par des prétextes sécuritaires.

La liberté ne se demande pas poliment, elle se prend.

Lucie Azéma dans  « Les femmes aussi sont du voyage »

 

Les formulations tendancieuses

Si le fond peut paraitre noble, la forme laisse souvent place aux sous-entendus infantilisants voir sexistes.

Lorsque les questions sont posées de manières binaires et non ouvertes à la discussion, la volonté affichée n’est pas bienveillante.

Prenons l’exemple de tout à l’heure « Est-ce que vous avez les capacités physiques pour faire un trek de cinq jours ? » Cette question est fermée. Il n’y a pas de possibilité de réellement discuté et laisse clairement entendre que la personne qui pose la question remet en cause nos capacités. Si la question avait été formulée : « Quelle est la difficulté du trek que vous avez choisi ? Vous le préparez comment ? » L’avantage des questions ouvertes, c’est qu’une personne réellement inquiète pour nous aurait eu beaucoup plus d’information. Dans l’exemple du trek, nous aurions pu dire qu’il était le plus accessible de la région, qu’il était possible de réduire le circuit si nous étions trop fatigués et nous pouvions décrire notre entrainement sportif. En bonus, mon ami et moi nous n’aurions pas été offensés par une question déplacée.

Vos choix peuvent surprendre votre entourage. Mais plutôt que dire « Tu n’as pas peur de… » ou « tu es sure que tu peux… » ou pire « tu es folle… »,  ils pourraient très bien expliquer plus en détail le sujet d’inquiétude, le circonscrire pour ne pas être violents. Par exemple, mon collègue aurait été tout à fait légitime de me dire « Quand tu me dis que tu pars seule, j’ai peur pour toi. » Et là, c’est plus simple de discuter que de partir sur une tirade patriarcale qui m’a juste donner plus d’entêtement pour faire du voyage solo féminin mon combat féministe.

Un autre exemple positif cette fois que j’avais eu, mes amis m’avaient demandé quand j’avais randonnée dans le Dartmoor en camping sauvage « Comment tu feras si jamais ton téléphone est HS ? » C’était une bonne question parce que je comptais beaucoup sur le GPS de mon portable. Après avoir discuté avec eux, j’ai décidé qu’il était sage d’acheter une carte de randonnée du coin dans un office de tourisme. Leur inquiétude était identifiée, pas infantilisante donc légitime.

Et vous, avez-vous déjà eu des questions inappropriées à propos de vos voyages en solo ? Quels étaient-ils ? Quelle est pour vous LA ligne rouge ?

J’espère que cet article vous aura plu, n’hésitez pas à commenter ou vous abonner 🙂

6 commentaires sur « Être une femme qui voyage seule c’est beaucoup de questions »

  1. Coucou ! Très intéressant ton article, qui fait écho à mes propres réflexions sur le voyage seule en tant que femme.
    Une personne de mon entourage et son conjoint doivent tour à tour voyager pour leur travail, alors qu’ils ont des enfants. C’est fou car, quand c’est elle, elle abandonne ses enfants, quand c’est lui, il répond à des obligations professionnelles…. Le fait que la place des femmes n’est pas à la maison mais ou elles le souhaitent semble en effrayer quelqu’uns ^^
    En ce qui concerne les discours sur la sécurité, je trouve que certains, sous couvert de se soucier de toi, sont juste là pour te dire « si tu as un problème, ne vient pas te plaindre, tu étais prévenue du danger », en remettant la culpabilité sur la victime plutôt que sur le coupable, c’est triste !
    En tout cas, merci pour le partage de tes expériences sur le sujet 🙂

    Aimé par 1 personne

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